1987 – Père Motte sur Radio Notre Dame

D.D. Aujourd’hui où l’on prépare ce Synode des laïcs, qu’est-ce que, dans les intuitions de Marie de la Trinité, vous semble plus important à mettre en valeur ?

P. Antonin Motte : « Je crois que c’est précisément la conjonction nécessaire, dans la vie des chrétiens, de cette dimension filiale de leur relation à Dieu avec une autre dimension caractérisée par le mot sacerdoce et qui correspond à l’hommage que la créature doit au Créateur et qui représente une tâche, une obligation pour tous les chrétiens.

Le sacerdoce des ministres a pour but de structurer l’Église et de procurer aux fidèles les dons qui descendent par le ministère sacerdotal, mais les chrétiens ont à faire hommage d’eux-mêmes à Dieu. Ils ont une responsabilité à l’égard de la réalisation de cette montée de leur humanité vers Dieu qui implique un hommage, une consécration.

Tout ce que le Christ a réalisé par l’Incarnation, il est devenu le Fils qu’Il était de toute éternité, Il est devenu Prêtre dans le temps, parce qu’il a fait hommage de lui-même à Dieu et Il a entraîné toute l’humanité dans cet hommage.

Et c’est le fait de tous les chrétiens d’avoir à s’offrir, cette offrande comprenant différents aspects selon la complexité de la condition humaine.

Marie de la Trinité analyse avec beaucoup de précisions les différentes attitudes, les différentes activités que comporte cette relation sacerdotale à Dieu, l’expiation dans la mesure où on est pécheurs, l‘immolation, c’est- à-dire l’orientation vers Dieu de tout ce que le poids de la nature tend à faire retomber en bas, avec l’adoration, la louange, l’action de grâces, tous ces actes qui doivent constituer l’ensemble du culte chrétien, le tout étant évidemment couronné par l’hommage, la relation filiale qui répond alors à cette filiation que le Christ communique à l’humanité.

La complémentarité des ces deux attitudes est très fortement marquée par Marie de la Trinité, et c’est là où peut-être sa pensée est la plus originale. Elle a des textes très percutants à cet égard. Par exemple celui-ci pour expliquer la hiérarchie de ces différentes attitudes dans le culte chrétien. Elle envisage d’abord la nature :

« La seule nature avec laquelle nous ne pouvons qu’imiter à notre très faible mesure, et de loin – avec, entre Dieu et nous, toute la distance infranchissable qui sépare la nature divine de la nôtre.
Avec le don de sacerdoce nous pourrions nous référer, être consacrés, sanctifiés – mais sans aboutir. Toute notre nature serait ordonnée, selon tous ces éléments et de façon digne de la Déité – mais cela aussi, de loin, et nous ne pourrions avoir ni les audaces, ni les contacts, ni les échanges et les abandons de l’amour. Ce serait une adoration polaire, glacée, figée – et nous demeurerions à notre place de pure créature et Dieu à celle de sa Déité transcendante.
Mais survient le don de filiation et avec ce don l’attraction du Père et la Relation filiale. Alors tout ce qui précède demeure bien et doit demeurer- mais tout est transformé.
C’est par ce don que toutes les intimités du Père Lui sont permises, car elles trouvent en nous un réceptacle digne d’elles, et moi, je puis avoir avec Lui toutes les libertés, comme toutes les familiarités. et non seulement je les peux moi-même, mais le Père Lui-même y prétend, et les excite en moi par son Esprit. »

Il y a donc une hiérarchie entre ces différentes attitudes, mais elles sont toutes nécessaires et elles se complètent. Par exemple dans l’Eucharistie, dans les deux temps de l’Eucharistie que sont l’offrande et la communion.
Si nous ne consentons pas à entrer dans une attitude d’offrande, d’oblation, nous ne pouvons pas recevoir le sacrement de l’Union. Le sacrement de l’Union vient couronner ce mouvement de don, d’oblation, de participation au sacrifice du Christ. »