2005 – Hommage du P. Chantraine à Sr. Christiane Sanson

Sœur Christiane Sanson fut très discrète sur sa vie chez les Dominicaines missionnaires des Campagnes. Sa nécrologie est en cours d’élaboration chez ses consoeurs. Nous en saurons bientôt plus sur sa vie personnelle. Je la connais par sa visite à Namur d’où sortit la décision de publier Filiation et sacerdoce des chrétiens et par nos rencontres chez elle. Souvent, elle m’a reçu dans son studio du Square S. Charles. Elle savait recevoir. En sortant, les choses dont nous avions parlé étaient plus claires et le cœur plus en paix. J’avais l’intention d’aller lui faire une visite à Mahieu avec Marie Deprelle. Elle est morte avant.

Même quand on ne parlait pas de Marie de la Trinité, on sentait qu’elle avait été « témoin » de sa sœur. Elle a décrit elle-même ce rôle. Elle fut « le témoin en raison de sa proximité avec Mère Saint Jean et avec Marie de la Trinité qu’elle a rencontrées à partir de 1951. Ce témoin avait noté au jour le jour, durant quelques années, les souvenirs qu’elle avait jugé important de conserver concernant ces deux personnes. Gardant mémoire de la crise qui affecta la société et avec elle l’Église dans les années d’avant et d’après le concile de Vatican II, crise où la Congrégation des Dominicaines des campagnes ne fut pas épargnée, ce témoin est à présent frappé par la concordance de ces souvenirs avec les correspondances de ces deux femmes, authentiques filles de l’Église, car mieux qu’elle, elles furent à même de mesurer la gravité d’une crise dont les effets se font sentir encore. »

Ce témoin fut historienne des fondatrices des Dominicaines des campagnes dans « Une religion peuple ». Mère Marie de Saint-Jean (1876-1969) et les origines des Dominicaines missionnaires des campagnes et de Marie de la Trinité dans sa biographie au sous-titre auquel elle tenait : De l’angoisse à la paix . Elle avait d’abord rassemblé et annoté avec le P. Antonin Motte, o.p., les textes de Marie de la Trinité, édités sous le titre : Filiation et sacerdoce des chrétiens.
Elle avait la distance de l’historien. Elle n’en connaissait pas moins de l’intérieur les vies qu’elle racontait. Sa pénétration fut remarquée et louée par Alphonse Dupront, le promoteur de sa thèse sur la fondatrice des Dominicaines missionnaires des campagnes. Elle ne fut pas moindre dans sa biographie de Marie de la Trinité. Sœur Christiane a parcouru toute la vie en laissant voir tant le don premier, confirmé par Dieu, que les obstacles extérieurs et intérieurs d’où naquit l’angoisse. Si très jeune Paule de Mulatier fut éprouvée par des colères intempérantes, si l’angoisse fut très tôt présente en elle, la paix lui fut aussi donnée très jeune ; elle fut donnée par Dieu dans la grâce de 1929 : être mise dans le sein du Père, tout en éprouvant son indignité et son impuissance. C’est en fin de compte dans la paix qu’elle vécut l’épreuve de Job, sachant qu’aucun moyen humain ne pouvait lui porter secours, que seul Dieu et elle-même en lui pouvaient la guérir.

Quelque chose de cette paix a habité sœur Christiane. Après la parution de Filiation et sacerdoce des chrétiens, nous avons attendu, elle et moi, sinon une percée, du moins une première réception. Rien ne se produisit. Elle m’encouragea à la faire connaître à l’occasion du synode sur la vocation et la mission des laïcs de 1987. Personne n’entendit son message. Elle eut la joie de rencontrer M. Gérard Pfister. Celui-ci prit goût tant au charisme de sœur Marie qu’à la beauté de son itinéraire. Il trouva le moyen dans ses petits livres d’en donner le goût aux lecteurs. On vit le résultat, un premier résultat à l’espace Bernanos où plus de cent cinquante personnes assistèrent à la présentation des livres et à la lecture de textes de Marie de la Trinité par Isabelle Raviolo. Elle put achever sa biographie, qui en est à son second tirage. Les archives de sœur Marie furent déposées aux archives dominicaines à Paris. Les Éditions du Cerf décidèrent de publier les Œuvres complètes de sœur Marie. Sœur Christiane avait réussi, avec l’aide du P. Legoëdec et grâce à la sympathie qui rayonnait d’elle, à constituer une Association active en vue de la connaissance de sœur Marie et participant au travail de la publication de ces œuvres. Tous ceux qui l’ont rencontrée ont perçu l’intelligence du don reçu par Marie de la Trinité et furent touchés par l’effacement de sœur Christiane devant ce don et volontiers ils s’unirent à elle pour connaître et mieux faire connaître Marie de la Trinité.

Georges Chantraine s.j.