La prière de Marie de la Trinité
Une prière silencieuse
Dès son enfance, Marie est une priante. Toute petite, elle a expérimenté que la prière n’a pas besoin de formules, c’est une piété de présence à présence, dit-elle. Elle garde tout dans le secret du cœur. Sa première retraite, dans l’enfance, est qualifiée de prières sans mots : Présence, bonheur ineffable – elle n’en parle à personne.
Dans son agenda de 1927-1930, elle note que lorsqu’elle prie c’est pour que son âme s’attache à Jésus, pas à ses dons. C’est une prière de louange : « La louange de Dieu est devenue la vie de mon âme. »
Bien plus, elle comprend très vite qu’elle n’a rien à offrir ou si peu ! Dieu lui dit : « Tu es finie et bornée, tu auras vite fait de tout m’offrir et tu chercheras que donner… Offre-moi Celui qui vit en toi, Lui seul m’est agréable, et toi en lui. »
Dans cette union réalisée par la prière, Marie est toute à Dieu et Dieu est tout à elle. Quelques jours après la première grâce d’août 1929, ses notes nous sont un écho de ses préoccupations missionnaires :
Ô Trinité, ô mon Dieu,
vous m’avez chargée de parler de vous,
et envoyée pour cela…
si je dis mal, je me réjouirai,
je viendrai me réfugier en vous
et vous-même ferez comprendre
ce que je n’aurai fait que compliquer,
illuminer ce que j’aurai voilé,
brûler ce que j’aurai refroidi,
attirer ce que j’aurai éloigné.
Paroles reçues du Christ
Si cette priante n’a pas besoin de beaucoup de mots pour rejoindre Dieu, c’est sans doute parce qu’il s’adresse à elle d’une manière directe, par des paroles intérieures qui règlent sa conduite : paroles qui la soutiennent, l’entourent, l’affermissent, paroles d’amour, de confiance qui sont lumière sur sa route.
Au cours de l’année 1941 qui fut pleine de grâce, elle reçut du Christ un grand nombre de paroles pour la guider sur la voie du sacerdoce. C’était bien nécessaire car il s’agissait d’une voie non frayée, tout à fait nouvelle, dont personne dans l’Église ne parlait. Ces paroles la préparaient à la grande grâce sacerdotale du mois de juin et à l’écriture théologique de ses 35 carnets.
Au début de l’année, cette promesse : « Je te remplirai de toute ma plénitude… Tiens-toi seulement unie à moi. » Et aussi : « Je suis plus glorifié par ce que je fais en toi que par ce que tu fais pour Moi. »
En février : « Ta perfection, pas tes œuvres ; ta perfection c’est Moi en toi, mais tes œuvres, c’est toi en elles. »
En mars : « Adhère à Moi, je te conduirai au Père. Je suis fidèle. »
Dans le temps de Pâques : « Entre dans mon sacerdoce, c’est par Moi que tu glorifieras le Père. »
A la fin du mois de mai : « Sois sans crainte, tu me portes en toi, et Je te possède en Moi. »
Quelques jours plus tard : « Veux-tu te livrer à mon agonie ? car c’est là que commence l’acte du sacerdoce pour l’immolation. »
Après la grande grâce des 14-15 juin, elle écrit : « Le Verbe incarné m’a prise en Lui pour que j’entre en son offrande au Père… Et il m’a prise en cette offrande, voulant que moi-même je l’offre par sa puissance à Lui, et en son offrande. » Et elle comprend que beaucoup d’âmes sont unies au Christ dans cette offrande mais jusqu’à un certain point : « Beaucoup commencent avec Lui, mais un petit nombre seulement, qu’Il sait, arrive jusque là ; beaucoup ne traversent pas la consécration qui est l’immolation. »
A la fin du mois de juin, un matin elle fut réveillée par ces paroles : « Lève-toi pour mon agonie. » et après la messe : « Communie à mon sacerdoce. »
Le 3 juillet : « Fais tout en mon sacerdoce. », et le 30, à Lourdes : « Désormais, fais tout en mon sacerdoce. Je veux que tout en toi ait relation au Père… Je veux être libre et seul en toi ; ainsi l’exige mon sacerdoce. » Et encore le lendemain, toujours à Lourdes : « Je te garde dans le sein du Père. Par moi, c’est là que tu résides. »
Fin août : « Tout ce que tu feras, je le couvrirai de mon sacerdoce. » Et quelques jours plus tard, cette précision : « Sois attentive à tes actions comme à des aliments dont je veux me nourrir. » Et encore : « Laisse toute place et toute liberté à mon sacerdoce en toi. » Et le Christ lui fait comprendre qu’il l’a prise en son sacerdoce, et en lui-même toute sa misère et ses péchés, « Cela qui t’es propre je l’ai fait mien, et ce qui m’est propre je le fais tien. »
Début septembre, le 6, après la confession, il lui est dit : « Abîme-toi en ma gloire. » Et trois jours plus tard : « Je te consacre en mon sacerdoce. » C’est à partir de là que Marie entre dans un attrait continuel pour l’immolation. Au cours de sa retraite annuelle en octobre-novembre, la notion d’immolation se précise : c’est devenir hostie pour l’offrande.
Le consentement de Marie lui ouvre, dans les jours qui suivent, une recrudescence de grâce, elle sait que les grâces lui sont données pour faire son éducation sacerdotale. Entrer dans le sacerdoce du Christ, dit-elle, « c’est entrer dans le Saint des Saints »
Le Seigneur se fait pressant : « Je te donnerai une béatitude sacerdotale… Je te donne l’amour sacerdotal et filial… Je te donne tous mes droits ; jette tout en mon sacerdoce… Entre dans mon sacerdoce de gloire… »
Et cette année 1941 se termine par cette invitation : « Marche en moi, marche en mon sacerdoce… Use de mon sacerdoce tant que tu voudras…Prends en toi tous les pécheurs – et reçois-moi tout entier…Je te donne mon humanité pour que tu en disposes à ton gré… Veille à ce que rien de toi ne s’écoule hors de moi… »
La prière de Marie de la Trinité
La prière de Marie de la Trinité est une écoute silencieuse, elle prie dans les “paroles reçues” du Seigneur. Mais dans les moments d’épreuve, lorsqu’elle se croit abandonnée, elle a recours à des prières concises, ramassées, comme celle-ci :
Père Saint,
éclairez moi
montrez-moi comment
vivre en votre vie
toujours,
en tout,
de plus en plus,
simplement,
profondément,
exclusivement.
(La date est du 15 octobre 1940, après trois jours de retraite chez les moniales dominicaines de Prouille, en la fête de sainte Thérèse d’Avila.)
Le saint que Marie a le plus honoré est certainement saint Joseph dont elle fait le modèle de sa vocation intérieure d’adoration silencieuse. Elle s’est placée sous sa protection :
« Saint Joseph,
je vous confie ma nature humaine selon tous ses contacts avec le Père _ qu’il Lui plaise de m’unir Lui-même à sa Paternité Sainte,
ou de faire en moi effusion des faveurs qu’il plaît à sa libre Sagesse
plaçant toutes les relations de ma bassesse indigne à sa Paternité Sainte,
et toute ma fidélité
sous votre très puissante protection. »
(24 mars 1944)
« Cachez-moi aux créatures et à moi-même,
comme vous avez caché Jésus au monde. »
(29 décembre 1945)
Marie de la Trinité a beaucoup et toujours pratiqué la prière du Rosaire qu’elle aimait pour sa dimension contemplative des mystères du Christ. Dans ses notes et articles divers, des enseignements précieux seront utiles pour retrouver le goût de cette prière séculaire, si naturelle.