L’expérience mystique
Chez Marie de la Trinité l’expérience mystique va toujours de pair avec la connaissance qui se propose à elle dans la lumière de l’oraison. Voici ce qu’elle dit à ce sujet : « La connaissance est une certaine science par le moyen des idées, tandis que l’expérience, c’est par contact immédiat ; elle a, me semble-t-il, rapport à l’ETRE comme tel, en sa réalité même. La connaissance a rapport à l’être comme vrai, et par l’intermédiaire de l’idée. La connaissance ne touche pas l’être, tandis que l’expérience l’étreint. Dans ce sens, il faudrait réserver connaissance pour l’opération de l’intelligence, faculté de l’âme – et expérience pour l’âme, réalité substantielle, quand elle entre en contact immédiat et intime avec une autre réalité substantielle, qui ne peut être que Dieu lui-même. »
Marie a comparé son oraison au travail d’un mineur dans les profondeurs de la mine, l’oraison dit-elle « c’est comme la longue descente verticale dans les mines… l’âme se laisse comme couler pour échapper à ses propres activités – mais plus elle se laisse ainsi couler au fond d’elle-même, plus l’Esprit Saint l’élève en l’inaccessible altitude des mystères divins. »
L’expérience spirituelle de Marie de la Trinité est douloureuse, car par nature elle est anxieuse et angoissée. Sa conscience n’est jamais en repos, toujours tourmentée par les inquiétudes : crainte d’être débordée par une vie active pour la congrégation ou au contraire crainte de perdre la disponibilité à la vie contemplative. Elle se sent toujours étrangère et brisée. Elle fait une expérience de Dieu à la fois douloureuse et heureuse.
Retrouvez le texte de la communication du frère Eric T. de Clermont-Tonnerre o.p. « L’expérience spirituelle de Marie de la Trinité » (Actes du Colloque 2003 p.31 à 43)
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Mystique nuptiale ?
Par son expérience d’union au Christ relatée dans la grâce de juin 1941, par diverses notations des carnets comme celle-ci par exemple : « Toute l’Église, et chaque fidèle personnellement, est constituée comme en relation conjugale au Verbe incarné, avec tous les droits que lui confère cette sorte de relation… », par l’emploi réitéré de l’expression « Etreinte d’amour » pour désigner l’Esprit Saint, Marie de la Trinité se rapproche de la mystique de nuptialité qui s’exprime dans la symbolique biblique de l’Alliance.
Retrouvez le texte de la communication du frère Dominique Sterckx, o.c.d. « Regards carmélitains sur Marie de la Trinité », Actes du Colloque 2003, p.137-157
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Mystique rhénane ?
Il est possible que Marie ait lu Tauler, son nom se retrouve dans l’agenda de 1927-1930, elle ne parle pas de Maître Eckhart.
On a relevé des convergences entre Marie de la Trinité et les mystiques rhénans sur un certain nombre de points : le détachement, le néant, l’esprit libre, la déité, la vie trinitaire…
Il est également possible, cela reste à étudier, que ces rencontres viennent de la fréquentation d’auteurs du XVIIe siècle, comme Bérulle et Olier, chez qui se retrouvent aussi les thèmes de l’anéantissement, du détachement… etc.
Retrouvez le texte de la communication de Marie-Anne Vannier, de l’Université de Metz : « Marie de la Trinité dans la tradition dominicaine et rhénane – Actes du Colloque 2003, p. 125 à 136
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Mystique sacerdotale ?
Pourtant, la spiritualité de Marie de la Trinité n’est réductible à aucun de ces deux types de mystique.
Elle est centrée sur le mystère du Verbe incarné et des relations trinitaires qu’elle déchiffre dans le mystère de l’Incarnation, elle s’en émerveille : « L’Incarnation a rempli de gloire l’essence même de (la) nature humaine, in sinu Patris. »
L’incarnation nous incorpore au Christ en nous faisant participer à son sacerdoce afin que nous devenions, par la filiation, fils dans le sein du Père.
Marie de la Trinité dit à tous les baptisés qu’il nous faut être en Jésus par son sacerdoce, pour être dans le sein du Père par la filiation.
Peut-être pourrait-on inventer pour elle le terme de mystique
sacerdotale ?