Mission pour l’Eglise
Quelle mission MT a-t-elle reçue ? Pourquoi des grâces si fortes ?
Mission ecclésiale : la fondation des Dominicaines missionnaires des campagnes
A partir de 1902, les lois d’expulsion des religieux laissent les campagnes françaises dans une grande détresse. Les sœurs, en charge des soins aux enfants, aux mères et aux vieillards, soucieuses de catéchiser les jeunes et d’être présence d’évangile dans le monde rural, disparaissent du jour au lendemain.
Pour palier ces terribles manques, des petits groupes de jeunes filles s’organisent, certaines renonçant à une vie de carmélites pour s’engager dans la voie apostolique aux nécessités si criantes.
C’est le cas de Bernadette Beauté (future mère Saint-Jean) et Marie Fernier qui fondent, en 1907, l’œuvre des Filles de la Foi qui donnera naissance aux Dominicaines missionnaires des campagnes.
Pourtant, vingt-deux ans plus tard, l’œuvre est profondément enlisée. En 1929, le père Chauvin qui dirige les sœurs depuis sept ans, décide par deux fois de partir et de dissoudre le petit groupe. L’évêque de Saint-Claude retire l’approbation qu’il avait donnée aux Filles de la Foi dont il juge l’œuvre non viable car, en vingt ans, elle n’a pu réunir vingt associées.
C’est là que la contribution de Marie de la Trinité va être profondément décisive. En août 1929, a lieu la retraite communautaire des sœurs. Dans un premier temps, Marie refuse d’y aller. C’est par obéissance qu’elle s’y rendra, elle y recevra la grâce in sinu Patris, se liera d’une profonde amitié avec mère Saint-Jean qui voit en elle ce qu’avait été Marie Fernier, elle le dit ainsi : « Elle m’apparut, au milieu de la marée de nos activités, comme le phare allumé par la Providence pour tracer une route de lumière vers la contemplation des Mystères divins source de l’action… Tournée vers Dieu, ne cherchant que Lui, elle avait aussi le génie des organisations, une belle intelligence, un rare prestige, d’audacieuses initiatives. »
Une fructueuse collaboration unit, dès lors, les deux femmes et aboutira en moins de trois ans à l’agrégation de la jeune congrégation à l’Ordre des Frères Prêcheurs et à son érection canonique par Mgr Feltin. En moins de quatre ans, l’effectif sera d’une cinquantaine de sœurs.
Dans les années 1930, l’orientation résolument missionnaire de ces Dominicaines apparaît comme une nouveauté. A l’époque, étaient dites missionnaires les congrégations qui partaient vers des pays non évangélisés. Plus tard, après la seconde guerre mondiale, se développera la Mission de France et la Mission de Paris, avec les difficultés que l’on sait. Il reviendra au Concile Vatican II de confirmer l’Église dans son état de mission.
Mission théologique : les carnets
La rédaction des carnets représente une très courte période de la vie de Marie de la Trinité, environ trois ans. Ce n’est qu’après sa mort que ses écrits commencèrent à être connus. C’est donc par une mission posthume que le message destiné à l’Église est en train de se répandre.
Cela requiert d’abord un gros travail d’édition pour rendre accessible les 3250 pages manuscrites ; et ensuite viendra le travail théologique proprement dit.
Déjà, le recueil « Filiation et sacerdoce des chrétiens », réalisé par le père Motte, a permis de donner connaissance du cœur du message. De même, les divers petits livres d’Arfuyen ont permis d’approcher cette personnalité exceptionnelle de diverses manières.
La pensée de Marie, vingt ans avant Vatican II, se concentre sur la vocation du chrétien, vocation à être fils dans le Fils, vocation au sacerdoce des baptisés.
N’est-ce pas sa propre expérience qu’elle explicite tout au long de ces pages denses ? N’a-t-elle pas été personnellement appelée à une vocation très haute ? Cette vocation concerne le sacerdoce du Christ et l’union à ce sacerdoce.
L’un des lecteurs de Marie de la Trinité, le père Marie-Joseph Nicolas, o.p., fait remarquer : « Et d’ailleurs, après Vatican II, a-t-on vraiment développé l’idée même du sacerdoce comme constitutif de l’être chrétien ? L’attention de la théologie a plutôt été attirée par la possibilité d’appeler des laïcs à des ministères institués, ce qui met surtout en lumière leur participation, forcément limitée, au sacerdoce ministériel. Or ce qui aurait enthousiasmé sœur Marie de la Trinité dans les assertions de Vatican II, c’eût été (et cela a dû être) l’idée même du caractère proprement sacerdotal de la vie chrétienne comme référence totale à Dieu, comme offrande, sacrifice, immolation, comme continuation du sacerdoce du Christ en ses membres, comme s’actualisant, certes, d’une manière unique et inouïe dans l’Eucharistie, mais aussi dans tous les sentiments et actes de la vie. »
Hans Urs von Balthasar, le prestigieux théologien suisse, a salué comme capitale, l’importance du message de Marie de la Trinité qu’il a traduit dans sa langue. Il écrivit à sœur Christiane Sanson que : « La véritable mission de Marie de la Trinité fut de rendre présente (…) cette expérience fondamentale du chrétien croyant, qui est réalisée par si peu de fidèles. Elle avait conscience que sa tâche n’était pas simplement d’exprimer ce qu’elle avait vécu, mais de demeurer silencieuse en ce lieu (le sein du Père) apparemment inaccessible et pourtant réservé pour toutes les créatures. »
Une pensée missionnaire
Le 8 mai 1944, Marie de la Trinité note dans ses carnets : « Aujourd’hui, fête de saint Michel archange, pendant l’oraison matinale, il m’a paru ceci pour la première fois : que pour l’utilité et l’expansion de l’Église (qui est le Royaume du Père), Il m’y veut et m’y donne une vocation personnelle, non d’action missionnaire, mais de pensée missionnaire, intérieure à la pensée de l’Église, et destinée à la connaissance de tout le genre humain, en vue de ceux que le Père y a prédestinés à sa gloire. »
Et le 11 mai, c’est à ces vocations de pensée missionnaire que se réfère Marie lorsqu’elle écrit : « C’est pourquoi aussi il est nécessaire qu’il y ait dans l’Église des contemplatifs par vocation spéciale qui, au-dessus de toute école, sont directement instruits par le Seigneur sur ses mystères, selon qu’il lui plaît de les leur rendre intelligibles.
Ceux-là ont un message pour le renouvellement de la pensée de l’Église relativement à l’objet de la foi : objet toujours identique à lui-même, puisqu’il est la Déité même et tous ses mystères ad intra et ad extra – mais c’est l’intelligence qu’en a l’Église qui est toujours susceptible de progrès, soit en compréhension, soit en extension.Et si ces vocations n’étaient pas données à l’Église aux heures et temps que le Père détermine dans sa Sagesse, elle se figerait sur sa propre pensée, comme si elle pouvait un jour parvenir à tout saisir et à tout exprimer adéquatement, non [en fonction de] la pensée qu’elle en a, mais [de] la réalité qui est l’objet de sa foi. »